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le livre


Mazaccio




Ah ! s’il eſt ici-bas un aſpect douloureux,
Un tableau déchirant pour un cœur magnanime,
C’eſt ce peuple divin que le chagrin décime,
C’eſt le pâle troupeau des talents malheureux ;

Ô Mazaccio ! c’eſt toi, jeune homme aux longs cheveux,
De la bonne Florence enfant cher & fublime ;
Peintre des premiers temps, c’eſt ton air de victime,
Et ta bouche entr’ouverte & tes ſombres yeux bleus…

Hélas ! la mort te prit les deux mains ſur la toile :
Et du beau ciel de l’art jeune & brillante étoile,
Aſtre ſi haut monté, mais ſi vite abattu,

Le ſouffle du poiſon ternit ta belle flamme,
Comme ſi, tôt ou tard, pour dévorer ton âme,
Le venin du génie eût été ſans vertu.


Auguſte Barbier.