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PENSÉE FRANÇAISE

lution d’un grand homme d’État, le successeur de Papineau, Lafontaine, utilise une passagère alliance avec un petit groupe de libéraux anglais pour restaurer la langue française dans ses droits constitutionnels et créer en faveur de la race française une situation de fait que la métropole, par l’agence de ses gouverneurs, sera trop heureuse de reconnaître.

L’élément anglais antilibéral ou loyaliste continuant de grandir en nombre, et les Canadiens-Français se divisant, Lafontaine rentre dans la vie privée, pour mourir bientôt après.

Quelques chefs sans autorité, dociles instruments du groupe anglais, succèdent à Lafontaine, puis, vers 1855, apparaît Cartier. Cet ancien insurgé mûri par l’expérience, doué d’un sens pratique peu ordinaire, prend la direction du groupe bas-canadien à une heure où le Haut-Canada, voulant en finir avec la « domination française », le « papisme » et tout ce qui s’ensuit, réclame l’entrée des provinces de l’Atlantique (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard) dans l’Union législative de 1840. Voyant venir le coup, il oppose au projet anglais, ou plutôt haut-canadien, un projet de confédération bilingue où chaque province conservait son autonomie quant à ses intérêts particuliers — religieux ou civils. Il convertit à ses vues le chef des tories haut-canadiens, John-A. Macdonald, et en 1867 la fédération s’établit. La majorité a changé de côté, mais Cartier se flatte, avec une certaine raison, d’avoir sauvé le principal.

Cartier mort (en 1872), et l’ascendant numérique du groupe anglais croissant constamment du double fait de l’immigration, exclusivement anglaise, et de l’annexion ou de la création successive de nouvelles provinces, l’esprit primitif du contrat fédératif s’affaiblit. Pour les Canadiens-Français, la question se pose de savoir s’ils insisteront sur