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PENSÉE FRANÇAISE

On ne se borne pas à les lancer sur la piste des coupables, on les délègue auprès des parents des individus suspectés, afin d’arracher à leur émotion et à leur douleur des propos équivoques de nature à étayer une accusation branlante que de très vulgaires gendarmes transformeront en un monument énorme de sottise, de suffisance et d’iniquité, dans l’unique but d’obtenir la mention de « fin limier », commencement et fin de leur stupide orgueil qui n’a d’égal que leur ignorance et la dépravation de leur sens moral.

Les reporters pénètrent librement dans les prisons, auprès des malheureux simplement prévenus ou soupçonnés. Grâce à de perfides discours, à l’offre d’un mauvais cigare et à la comédie d’un faux semblant de pitié, ils obtiennent des confidences incohérentes qui, diaboliquement exploitées par le tintamarresque orchestre de leur journal, sèment le doute, le mépris et la haine, dans les populations, lesquelles, hélas ! ont une foi trop crédule en ces récits fantastiques.

Le reporter d’un journal anglais de Montréal a été trouver la femme Hackett le jour de l’arrestation de son mari. Il lui a dit qu’il était chargé par son journal de plaider toutes les circonstances favorables à l’inculpé et de travailler à faire éclater son innocence. Il fit montre de sympathie, inspira confiance à la pauvre femme qu’il abusait, lui soutira des portraits, des épanchements, des communications touchant sa vie conjugale et celle de ses proches parents. Muni de ces renseignements arrachés par la duplicité à une créature simple et accablée, il fit le lendemain, sous un titre flamboyant, un réquisitoire terrible contre Hackett, utilisant d’une façon méprisable les petits secrets qu’il avait volés par hypocrisie.

Ce personnage est un gredin ; mais ceux qui le