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ENSEIGNEMENT GRATUIT ET OBLIGATOIRE

neutre ? Que faites-vous du Conseil de l’instruction publique, dont c’est précisément une des attributions d’examiner les livres de classe ? Que faites-vous des curés, que la loi constitue inspecteurs des écoles de leurs paroisses au point de vue religieux et moral ? Et puis, comment expliquez-vous que cent mille exemplaires de Mon premier livre aient été distribués aux écoles primaires avec l’assentiment des évêques membres du Conseil de l’instruction publique ?

Vous avez bien le droit de voir une manœuvre maçonnique dans un système reconnu par l’épiscopat : il est toujours permis au bedeau de parler de SA paroisse, de SON église, de SES ouailles ; mais n’accorderez-vous pas qu’on puisse croire à la gratuité des livres sans s’exposer à l’excommunication ?

Passons maintenant à la contrainte.

Vous admettrez que, dans notre organisation sociale et économique, l’homme qui ne sait ni lire ni écrire est à celui qui sait lire et écrire ce que le sourd-muet est à l’homme qui entend et qui parle. Il vit d’une certaine vie, il peut goûter un certain bonheur. Envisagé au point de vue social, on peut poser en règle générale qu’il est inoffensif, semblable à ces machines qui requièrent d’autant moins d’attention qu’elles sont moins compliquées.

Mais de cette « innocivité » presque absolue de l’illettré, conclurez-vous que la société n’a pas le droit d’imposer à ses membres certaines connaissances élémentaires, essentielles, par exemple, à l’exercice du droit de suffrage ? De son bonheur relatif, conclurez-vous que c’est violer le droit naturel que de forcer le père de famille à assurer à ses enfants une existence meilleure ? L’État porte atteinte au droit naturel en nous imposant certaines précautions sanitaires pour le bien général. Même dans les pays britanniques, où le législateur