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PENSÉE FRANÇAISE

Dans un pays monarchique, le premier devoir du fonctionnaire est de savoir pleurer et se réjouir avec la Cour, comme celui du sujet est de se tenir constamment les yeux fixés sur les chefs de claque du loyalisme.

Son Excellence est fière des lauriers conquis par les soldats canadiens en Afrique australe ; heureuse d’apprendre que Son Altesse le duc de Cornwall daignera passer par le Canada à son retour d’Australie, enchantée de voir que le projet de la pose du câble transpacifique est en voie de se réaliser ; au septième ciel de constater que le peuple canadien se loyalifie tous les jours davantage.

Enfin, de quoi Son Excellence n’est-elle pas fière, de quoi n’est-elle heureuse, de quoi n’est-elle pas enchantée ? Un peu plus, son bonheur tiendrait du délire.

Dans sa réponse à ce boniment qu’il a lui-même rédigé, M. Laurier dira qu’il est heureux que Son Excellence soit heureuse de tant de choses, fière de tant de choses ; le bonheur gagnera tout le monde ; et il ne restera plus au cabinet qu’à élaborer ces lois qui doivent nous confirmer dans la possession de la Terre Promise.

Cette réponse, on aurait pu la faire dès jeudi, mais M. Laurier, qui nous avait promis un discours sur la mort de la reine, s’est dit que ce discours, flanqué d’une allocution du chef de la gauche, serait bien suffisant pour une séance et, sur sa proposition, la Chambre a ajourné au lendemain.

Les tribus sauvages de l’Empire en apprenant qu’elles sont orphelines, offriront sans doute au Ciel le plus pur du sang de leurs vierges et de leurs guerriers. C’est le propre des peuples civilisés, au contraire, de manifester leur chagrin de la même manière que leur joie, et comme le parlementarisme est l’une des expressions les plus élevées de la civilisation, l’idée de l’ajournement s’est présentée