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PENSÉE FRANÇAISE

au nom des journaux anglo-canadiens, dix fois plus nombreux que ceux du groupe d’expression française. Et je n’en ai d’ailleurs pas le goût, l’expérience m’ayant depuis longtemps convaincu que rien de ce que je pourrais dire sur les relations de nos deux presses ne saurait intéresser nos confrères anglais. Avec votre permission, j’envisagerai cette réunion comme une affaire de famille, où il ne saurait être question que d’intérêts intellectuels et professionnels proprement français. Quand donc il m’arrivera de parler de la presse canadienne, vous voudrez bien, à moins d’indication contraire, entendre la presse de langue française.

Les relations franco-canadiennes en matière de presse tendent à s’activer. Elles n’en restent pas moins inorganisées, individuelles, insuffisantes ou intermittentes. Les choses canadiennes ne sauraient intéresser le public français qu’autant qu’elles présentent en soi, pour l’étranger, en particulier pour la France, quelque intérêt politique ou intellectuel. Dans l’ordre politique, nous ne comptons pas pour grand chose, malgré les illusions de nos ministres, lesquels, comme leurs collègues de langue anglaise, vont à Genève surtout pour y débiter, plus ou moins consciemment, des boniments composés à Londres à leur intention. Dans l’ordre intellectuel, n’allons pas nous « frapper » de ce que nous avons accompli jusqu’ici : les livres les plus intéressants sur le Canada français ont été écrits par des Français ; les provinciaux que nous sommes ne sauraient se vanter de connaître à fond ni le Canada — surtout le Canada anglais — ni la France. Pour répéter un mot qui a eu un succès un peu équivalent au succès de maternité de la maman Dionne (cinq fillettes jumelles) : « Ce que nous avons fait depuis 1760 ? — Nous avons vécu. » Mais les peuples qui se contentent de vivre, surtout ceux qui vivent