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À PROPOS DE L’AFFAIRE LINDBERGH

pulents affairistes comme Hoover, prétend donner des lois au monde. Par un beau soir d’été, il y a cinq ans, un aigle aux traits humains baignés d’une infinie douceur descendait du ciel sur Paris. Il s’appelait Lindbergh. Il était venu solitaire d’Amérique, d’un seul vol. La France, qu’il venait de devancer dans cet exploit surhumain, le souleva dans ses bras, pleura de joie sur son cœur. Depuis ce jour, lui, que seuls les hasards de l’émigration firent naître en Amérique, et qui, s’il venait aujourd’hui aux États-Unis en étranger, serait traité comme une viande quelconque par les agents d’immigration d’Ellis Island, il est, autant qu’Américain, Français. En allant vivre avec les siens dans le pays humain vers lequel le portèrent, il y a cinq ans, son courage et son génie, il donnera à ses compatriotes la seule leçon qu’ils soient encore capables d’entendre. Peut-être comprendront-ils enfin qu’il y a au monde autre chose que l’argent et qu’un pays où la passion du lucre a tout corrompu, tout sali, tout avili, n’est pas un pays pour civilisés.


Le Canada, 19 mai 1932.