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L’ŒUVRE DE L’ABBÉ GROULX

elle tous les éléments d’une grande tragédie humaine. En la subordonnant au débat sur la question scolaire, l’auteur a détruit sans nécessité l’unité du roman, pour le seul avantage de pouvoir égaler Lantagnac au « géant débonnaire » Ernest Lapointe, à M. Jacques Bureau, à M. David Lafortune. L’Appel de la race, c’est la renaissance d’une âme à la vie française et catholique, thème émouvant, d’un intérêt poignant pour tout observateur attentif de notre vie nationale ; mais c’est aussi, à propos de l’école, l’apologie du discours, seule forme d’action que nous ayons su pratiquer jusqu’ici. Le matin de la fameuse délibération, les enfants d’Ottawa, réunis dans les églises, prient « pour que les langues marchent bien. » Depuis cinquante ans, chez nous, les langues ont toujours trop bien marché. Or, si l’un des critiques de l’abbé Groulx, M. de Montigny, regarde comme une erreur l’introduction de la politique dans le roman, pas un ne semble s’être avisé qu’au double point de vue de l’art littéraire et du but patriotique visé par l’auteur la participation de Lantagnac à une pantalonnade de politiciens n’est pas le digne aboutissement d’une grande crise morale.

Ce qui revient à dire que MM. du Roure, de Montigny et Roy voient surtout dans l’Appel de la race les défauts qui n’existent pas et ne voient pas ceux qui crèvent les yeux.

Cette aberration du jugement serait-elle, par hasard, l’effet d’un plan concerté ? Gardons-nous de le croire. Serait-elle, en chacun de ces messieurs, la conséquence inévitable du parti pris ? Mais leur parti pris, si visible soit-il, n’explique pas leur silence sur le point le plus faible de l’œuvre. Cherchons ailleurs.

Professeur de français à l’Université McGill, M. du Roure a perdu dans ce milieu le sens des proportions. L’essentiel à ses yeux n’est pas tant de