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PRÉFACE

trevoir dans son Paon d’émail, Chopin dans son Cœur en exil et Lozeau dans quelques pages de son Miroir des jours, qui sait s’il n’est pas là, qui frappera tantôt à notre porte ? Avec son admirable sens critique, Fournier ne pouvait pas croire à l’existence d’une littérature canadienne. En nous faisant toucher du doigt, si l’on peut dire, la supériorité de Nelligan, de Paul Morin (pardon, Morin ! pardon, Nelligan !) sur Denis-Benjamin Viger et Michel Bibaud, il a fait œuvre nationale sans sortir de la vérité…

À la mort de Fournier, quelques-uns des jeunes poètes les plus intéressants d’aujourd’hui n’avaient pas encore débuté : citons entre autres Édouard Chauvin, Jean Nolin, Émile Venne. J’ai cru me conformer à son dessein en leur faisant une place dans ce recueil, qui aussi bien aurait paru depuis longtemps si les événements, et une certaine paresse d’esprit due à la déshabitude d’écrire, ne m’avaient empêché de livrer plus tôt à Madame Fournier, pieuse et intelligente gardienne de la mémoire de son mari, la préface qu’on attendait de mon amitié.

Fournier a éparpillé dans le Nationaliste, dans l’Action et dans les deux premiers mois du Devoir une œuvre littéraire et humoristique qui en notre pays ne serait pas de mince valeur. Il a laissé en manuscrit des observations incomplètes mais captivantes comme tout ce qui sortait de son cerveau, sur ce qu’il appelait la faillite du nationalisme, et sur l’ouvrage de M. Louvigny de Montigny : La langue française au Canada. Dans l’intérêt des idées, seul objet pour lequel il se passionnât sur la fin de son existence, il importe que ces œuvres ne tombent pas dans l’oubli. En attendant qu’elles paraissent, l’Anthologie des poètes canadiens rappellera, à la génération qui grandit, le souvenir