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SIR WILFRID LAURIER

De 1885 à 1887, il fait une guerre sans merci au ministère Macdonald pour la manière dont celui-ci a d’abord provoqué par ses abus, puis réprimé, l’insurrection des métis français du Nord-Ouest ; et bien que dans tous ses discours il se garde de faire ouvertement appel au sentiment national de ses compatriotes, il a bientôt pris dans l’âme canadienne-française figure de héros.

Deux ou trois ans après, quand M. Edward Blake résigne la direction du parti libéral pour passer à la scène politique anglaise comme député nationaliste irlandais, il est, lui Laurier, choisi d’emblée pour lui succéder. Depuis Lafontaine, il est le premier homme politique canadien-français qui commande à des forces mixtes. Mais pendant que Lafontaine a pu s’appuyer sur un pays en majorité français, Laurier aspire à gouverner un pays aux cinq septièmes anglais. De là l’abime qui sépare, au point de vue français, la politique de Lafontaine et celle de Laurier…

La première grande épreuve de la politique lauriériste fut la question dites des écoles du Manitoba, qui agita le pays de 1890 à 1896.

En vertu de la constitution canadienne, les provinces ont la haute main sur l’instruction publique, mais le gouvernement fédéral peut intervenir dans les questions scolaires intéressant une minorité catholique ou protestante. Le Manitoba fut admis dans la Confédération en 1870. À cette époque, les catholiques de cette province avaient leurs écoles à eux, reconnues par l’État. En 1890, un gouvernement provincial sectaire, dirigé par des rustres doublés d’aventuriers, abolissait l’école catholique pour y substituer une école neutre qui n’était presque partout qu’une institution protestante déguisée. Même à un grand nombre d’hommes politiques protestants, l’acte parut arbitraire ; jamais, depuis 1867, on n’avait assisté à une viola-