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sastreuse pour être niée, ne date pas de ces lendemains de conquête. Quel historien nous marquera l’époque précise où le mal a fait son apparition ? On sait de quoi est faite cette maladie morale. Quand, par l’analyse, on tâche d’en saisir les éléments, on découvre, au fond, une blessure de la volonté, une dépression de la fierté de race, une résignation morne à une sorte de fatalité qui aurait constitué à jamais le plus faible dans la sujétion du plus fort. De là la foi spontanée à la supériorité du conquérant, à ses mœurs, à ses institutions ; de là le doute de soi, la méfiance de ses forces, le mépris des siens et du génie ethnique ; de là aussi un goût morbide de la paix sans dignité, l’oubli facile des injures qu’on accepte comme la monnaie de sa condition : un tempérament de valet dans sa propre maison ; au lieu de l’élan superbe vers les restaurations qui effacent la défaite, le désir de la consommer entièrement par l’abdication totale ; pour tout dire, l’arbre inconscient, penché par la tempête, et qui n’a plus que l’obsession stupide de la chute.

L’attitude du clergé à la suite de la conquête, particulièrement en certaines occasions, a inspiré aux historiens canadiens-français et catholiques beaucoup de réticences. Sachons gré à M. l’abbé Groulx, homme d’Église, d’avoir eu, le premier d’entre eux, le courage d’écrire :

Très ferme sur le terrain des principes pour disputer au vainqueur la liberté de l’Église, il apporte, dans ses relations avec le nouveau pouvoir, beaucoup de condescendance. La réserve et surtout la froideur sont des attitudes qu’il se fait une loi d’éviter. Vers ces sentiments le font pencher les bons procédés des gouverneurs, le désir de ne point compromettre des libertés chères, son respect des souverainetés publiques. Peut-être y incline-t-il quelque peu et même beaucoup par son état d’âme de clergé concordataire et de penchants, sinon d’esprit, gallicans.

Le premier il aura noté ce fait d’expérience historique constante, que « toujours les persécutés sont moins frappés des droits qu’on leur ravit ou qu’on leur diminue, que des maux nouveaux dont on les accable. »