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peuple à l’heure où, devant le spectacle de ses dernières forces brisées, il se dit, baissant la tête : Je suis vaincu. Aux ruines matérielles de la guerre s’ajoute pour lui la perte des biens supérieurs. Quand il descend au fond de sa conscience, il n’y trouve plus le même sentiment de fierté, la même confiance en ses forces, en son avenir, au génie de sa race, sentiment et confiance qui faisaient les meilleurs ressorts de sa volonté. Regardez dans leur histoire les générations humaines qui ont suivi ces mornes catastrophes. Toutes en ont subi dans leur âme un si profond ébranlement, qu’elles ont paru inaptes aux grands desseins, écrasées, semble-t-il sous le poids d’une sombre fatalité…

Le premier il a écrit :

Nos historiens n’ont pas perdu l’occasion d’épiloguer sur cette grande catastrophe de notre vie (que fut la conquête). Ils y ont vu un coup de la Providence amputant, au vieux tronc vermoulu, la branche encore saine, séparant notre histoire de celle de la France pour nous préserver des convulsions politiques et sociales de l’époque révolutionnaire. Certes, dans la mesure où l’homme peut scruter les sublimes desseins de la Providence, il paraît difficile d’accorder un autre sens aux événements de 1760. Mais convient-il d’aller plus outre ? Et faut-il donner à la conquête anglaise de la Nouvelle-France figure de bénédiction et de bienfait souverain ? À notre avis les enseignements de l’histoire n’autorisent point cet optimisme. Toujours la soumission à un peuple étranger fut, pour une race adulte, la grande épreuve, l’insigne calamité…

Et encore :

Presque jamais le mal ne s’arrête à un changement d’allégeance politique. Presque toujours il signifie l’introduction violente d’éléments inassimilables dans l’âme du conquis.

Et encore cette page brûlante de vérité, mais que M. du Roure, M. de Montigny et le mol M. Roy, qui ne l’ont certainement pas lue, ne manqueront pas de dénoncer comme un appel aux haines de race :

Notre état d’âme de vaincus, réalité, hélas ! trop dé-