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MALHERBE

connaissance de la langue française ». Malherbe se contenta de publier son ode, et de nouveau attendit.

À Lyon, Bertaut à son tour célébra la reine en un « Chant nuptial » de rythme massif qui contient plusieurs beaux accents. Nous devons croire que, d’Aix à Lyon, Marie avait fait quelques progrès dans la langue française, car Bertaut lui fut attaché aussitôt, en qualité d’aumônier. Cependant on parla de Malherbe au roi. Ce fut son compatriote normand, le cardinal du Perron, qui s’en chargea, après avoir lu certainement les dernières pièces du poète. Henri IV l’admettait dans sa familiarité et jouait couramment avec lui aux échecs : un jour il lui demanda s’il ne faisait plus de vers : « Sire, répondit le cardinal, depuis que vous m’avez fait l’honneur de m’employer en vos affaires, j’ai tout à fait quitté cet exercice, et il ne faut point que personne s’en mêle après M.  de Malherbe, gentilhomme de Normandie, habitué en Provence : il a porté la poésie française à un si haut point que personne n’en peut jamais approcher. »

Informé, Malherbe attendit encore, puis se décida à toujours remercier l’obligeant cardinal. Le roi se rappelait ce nom de Malherbe, et en parlait souvent à Vauquelin des Yveteaux, précepteur de son fils aîné et compatriote aussi du poète. L’esprit pratique de solidarité des Normands à cette époque ne fut certes pas étranger à l’hégémonie qu’ils exercèrent alors, jusqu’à Corneille, dans notre littérature.