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QUELQUES POÈTES

qui s’applique, par la théorie et la pratique, à faire monter le niveau de « l’éloquence française ». Là, Malherbe rencontre encore les précieuses amitiés du gentilhomme François du Périer et du jeune Claude Peiresc, qui a renoncé à s’asseoir sur le siège occupé par son père pour pouvoir s’adonner librement à la collection et à l’étude de tous les documents d’histoire, de littérature, de numismatique, d’histoire naturelle, qu’il fait venir de l’Europe entière, — un des esprits les plus modernement curieux de l’ancien régime.

Dans ce milieu notre poète acheva de mûrir son goût, vers les quarante ans, et, certes, il en avait besoin : à cet égard encore il n’arriva point d’emblée au but. À vingt ans, il avait commis une élégie en cent soixante vers sur la mort prématurée d’une jeune Gaennaise, nommée Geneviève Rouxel, nièce d’un de ses professeurs de droit de l’Université. Les Larmes du sieur de Malherbe n’étaient qu’une faible imitation de Desportes, qu’il avait rencontré à Caen. Plus tard, il rougit de ce délit de jeunesse, dont on n’a découvert la preuve, le texte même de la pièce, qu’en 1888.

Lors de son retour en Normandie, Malherbe, privé de protecteur, avait eu l’idée d’envoyer à Henri III un poème de quatre cents vers, intitulé Les Larmes de saint Pierre et imité de l’un des modèles favoris de Desportes, le contemporain italien Luigi Tansillo. On le voit, notre homme, doué de peu de sentiment, ne cessait cependant de répandre en ses premiers essais des larmes poé-