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QUELQUES POÈTES

Il sortait d’une vieille famille normande, qui remontait authentiquement aux compagnons de Guillaume le Conquérant et qui, depuis, était tombée dans la robe : son père, conseiller au présidial de Caen, se fit construire en ville une maison, qui existe encore, et il prit soin d’orner le dessous des lucarnes des principaux écussons sculptés de la famille. Le poète lui-même tenait à ses rougeoyantes armoiries « d’argent à six roses de gueules, semé d’hermines de sable sans nombre », c’était là proprement le blason des Malherbe de Saint-Aignan[1].

Il termina ses études par deux ans passés dans les universités allemandes de Baie et de Heidelberg, ce qui était alors bien original ; puis, refusant la succession de la charge paternelle, il prit le parti de quitter la Normandie. Il dédaignait la carrière de magistrat, à laquelle il préférait de beaucoup celle des armes ; l’humeur batailleuse de ses ancêtres fermentait en lui ; il jouait tout jeune au gentilhomme d’armes, et, à son retour d’Allemagne, prononçait des discours dans les écoles publiques, l’épée au côté. De plus, sans posséder de très chaudes convictions catholiques, il avait vu avec « déplaisir » son père « se faire de la religion », et piller même, à la tête d’une bande d’énergumènes, l’abbaye de Troarn, ce qui ne devait pas empêcher ce digne sectaire de finir marguillier de l’église Saint-Etienne-le-Vieil,

  1. L’on en peut voir une belle planche coloriée dans l’Album de la grande édition de Malherbe, par L. Lalanne (chez Hachette).