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La ressemblance de cette pièce avec les Stances est manifeste : les deux morceaux sont visiblement imités de l’Épode d’Horace, et ils sont inspirés Fun et l’autre par l’amour de la campagne et aussi par le mépris de l’ambition. Non seulement les sentiments sont communs, mais des mots, des vers, des strophes presque entières de Desportes ont passé dans Racan. Celui-ci a emprunté à son devancier jusqu’à sa forme rythmique, ce sizain tout harmonieux où résonnent quatre rimes féminines coupées seulement par deux sons masculins, et même, soit intention, soit hasard, le nombre des strophes est identique, si bien que l’on compte quatre-vingt-dix vers de part et d’autre.

Pour être complet, il convient d’ajouter que Racan a fait aussi entrer dans ses Stances un sonnet rustique de Desportes ; il en a imité le vers si expressif, inspiré lui-même d’Horace :

 Roi de tous mes désirs, content de mon parti… ,

ainsi que ce charmant quatrain :

 J’aime mieux voir un pré bien tapissé de fleurs,
arrousé de ruisseaux au vif argent semblables
et tout encourtiné de buissons délectables
pour l’ombre et pour la soif durant les grand's chaleurs[1].

  1. On reconnaît la 8e stance de Racan où brille le vers que
    nous avons admiré plus haut sur Vargent des ruisseaux, heureusement
    imité de Desportes : dans la fin de la stance, au contraire,
    en parlant des lits naturels
    qui n’ont autres rideaux que l'ombre des buissons,

    Racan n’a pas osé être naïf, et du même coup il est moins vrai que l’original : on devine là une chicane de Malherbe dans le
    genre de celle-ci : « Sottise. Ce sont les buissons, non l’ombre, qui font rideau. »