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personnel, par le sentiment vif de la tradition de famille ;

 et ne recherche point, pour honorer sa vie,
de plus illustre mort, ni plus digne d’envie,
que de mourir au lit où ses pères sont morts.

Le bonheur est dans la modération des désirs ; ainsi pensait Racan après toutes ses déceptions, et il était charmé de retrouver cette opinion cent fois répétée dans Horace, qui l’avait pratiquée et prêchée à ses amis. Seulement celui-ci leur conseillait, pour mieux réduire leurs besoins, de se retirer entièrement de l’action, et il tenta toute sa vie d’amener au repos et au plaisir tout ce qui était de soldats, de trafiquants, d’avocats, d’hommes politiques autour de lui ; doctrine décevante au fond, qui ne s’adresse qu’à des riches et qui a le tort d’en faire aujourd’hui des oisifs et demain des vicieux.

Tout en rendant sienne la doctrine de la modération, Racan ne renonce pas pour cela à l’action ; il maudit seulement l’agitation et la vie factice des villes, et il n’aboutit pas comme son devancier à l’énervante oisiveté, mais à une sorte d’activité virile à la campagne. Il a pris la sagesse d’Horace et lui a laissé la sensualité : ses vers ont je ne sais quoi de plus mâle et de plus sain. Il a d’ailleurs ramassé son idée sur le bonheur avec une rare netteté d’expression dans la troisième stance :

 
Ô bienheureux celui qui peut de sa mémoire