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LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

thécaire à la Mazarine et critique avec son premier volume de l’Histoire de Port-Royal, — le professeur de Lausanne en 1837, de Liége en 1848, du Collège de France en 1855, où le tumulte de la jeunesse libérale ne lui laisse débiter que deux leçons, le maître de conférences de l’École Normale, qui enseigne enfin paisiblement de 1857 à 1861, — l’ancien fonctionnaire de Louis-Philippe mourant sénateur de l’Empire, libertin et champion de la « libre pensée »… Vie pleine de variations, de péripéties d’idées et d’abandon des principes d’antan, tout comme le fut celle de son grand contemporain et cher ami de jeunesse Victor Hugo, avec cette grave différence que l’auteur de la Légende des Siècles passa d’un état d’esprit à l’autre et, en définitive, du royalisme catholique au socialisme anticlérical, en poète, c’est-à-dire par succession d’enthousiasmes ou par bonds d’indignation, ce qui est de l’enthousiasme encore, tandis que l’auteur désabusé de Volupté cheminait d’une région des idées à l’autre, par déceptions et désenchantements. Partout, il était l’éternel voyageur qui s’éloigne.

Avoir traversé, nuance à nuance, toutes les idées et dispositions de conscience lui valut du moins de devenir le critique le plus fin de tous ceux qui ont brillé en notre ciel depuis quatre siècles et d’être à son genre à peu près ce qu’Alphonse Daudet fut à la nouvelle ; grâce à son aimable et infatigable scepticisme, ce voluptueux d’esprit comprit tout, sauf sans doute la grandeur.