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de 1660, l’école des chefs-d’œuvre, dont il avait si bien préparé l’avènement par ses propres ouvrages. La IXe satire de Boileau arrivait en 1668 jusqu’au château de la Roche, y jetant ce vers éclatant qui cause maintenant quelque surprise :

Racan pourrait chanter au défaut d’un Homère.

Le jeune poète dominateur voulait dire que, pour chanter Louis XIV, au défaut des poètes épiques de son temps, dont il se défiait, non sans raison, il faudrait s’adresser aux auteurs d’odes, et Racan s’était mis au premier rang de ceux-ci, jadis par son ode si animée à Louis XIII, récemment par une pièce entraînante à Louis XIV.

En même temps paraissait le premier recueil des Fables, où La Fontaine, racontant Le Meunier, son Fils et l'Âne, unissait dans une admiration commune Malherbe et Racan,

  Ces deux rivaux d’Horace, héritiers de sa lyre,
disciples d’Apollon, nos maîtres, pour mieux dire.

Il n’est pas fort difficile de prouver que Racan fut, en effet, élu par La Fontaine pour l’un de ses maîtres, et ce n’est point pour notre poète son moindre titre d’honneur que ce noble espoir poétique qu’il inspira plus tard au fabuliste dans son Epître à Huet :

  Malherbe avec Racan, parmi les chœurs des anges,
là-haut de l’Éternel célébrant les louanges,
ont emporté leur lyre ; et j’espère qu’un jour
j’entendrai leur concert au céleste séjour.