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avons analysées plus haut, lorsque, en feuilletant les pages voisines, mes yeux vinrent à apercevoir, par hasard, une notice sur Racan. J’examinai avidement l'écriture : elle était notoirement de Conrart lui-même ; c’était son écriture négligée et hâtive, tandis qu’il en avait une autre appliquée, dont il a écrit beaucoup d’autres pièces, telles que les Anecdotes. Alors quelle joie intense ! depuis trois ans j’essayais de jalonner la vie de Racan, et voici que je tenais le fil conducteur qui allait me diriger dans la reconstitution de cette existence !

Il n’y avait rien d’étonnant à ce que Conrart eût ainsi écrit un résumé de la vie de Racan. Sans doute il n’avait pu le connaître dans le cercle Malherbe, dont il ne faisait point partie ; mais il était pour lui, avec Chapelain et Ménage, un des amis de la seconde heure. On sait qu’il demeurait, en été, près de Paris, dans cette charmante villa d’Athis qui dominait une gracieuses courbe de la Seine ; il aimait à y recevoir les lettrés des deux sexes : avec eux il devisait dans son jardin disposé à la française, et l’une de ses belles visiteuses, Mlle  de Scudéry, parlait ainsi de ces cabinets de verdure : « Les arbres en sont si beaux, le vent si frais et l’ombrage si charmant, qu’il n’est presque pas possible d’être en ce lieu sans plaisir et sans esprit. » Racan, qui allait tous les ans à Paris pour ses interminables procès, ne manquait point de se rendre à Athis, et là, les amis discutaient des questions qui nous laissent