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des causes générales, ils ne cultivent pas le genre lyrique auquel s’est adonné Malherbe, et qu’ils le remplacent de préférence par le genre dramatique ; notre poète n’a pas tant servi à la poésie lyrique qu’à la littérature française en général, et Corneille, Molière, aussi bien que Racine, lui devront beaucoup, et par la suite Voltaire, qui renchérira encore sur sa netteté. On comprend donc l’enthousiasme de Boileau, le théoricien de l'école de 1660, et sur Malherbe son mot fameux, moins souvent compris que répété avec ironie. Dans l’énumération qu’il fait des qualités essentielles au poète français, lorsqu’il en vient à l'harmonie et à la clarté, il affirme que l’inventeur en France en a été Malherbe, et, pour appuyer son dire, il donne une esquisse sommaire et assez erronée, d’ailleurs, de l’histoire de notre poésie, qui a été, selon lui, plus ou moins « confuse » et « brouillée » depuis ses origines jusqu’à Desportes et Bertaut inclusivement :


Enfin Malherbe vint et, le premier en France,
fit sentir dans les vers une juste cadence,
d’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
et réduisit la Muse aux régies du devoir…
mai’chez donc sur ses pas ; aimez sa pureté,
et de son tour heureux imitez la clarté.

Boileau, à son tour, tranche le mot. Clarté, netteté, tel est bien l’élément que Malherbe a dégagé de notre tempérament national ; entreprise un peu bourgeoise peut-être, mais qui ne lui fait pas un mince honneur, et la postérité,