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années, ce caractère compatissant ne fit que croître comme un grand arbre qui sort de deux tendres pousses et finit par répandre son ombrage au loin ; mais le jeune enfant ne savait presque rien du diagrin, de la douleur et des larmes ; il ne les connaissait que comme des noms étranges s’appliquant à des choses que les rois n’éprouvent pas et ne doivent jamais ressentir. Alors, il advint que, dans le jardin royal, un jour de printemps, passa un vol de cygnes sauvages voyageant vers le nord pour rejoindre leurs nids au cœur de l’Himalaya ; signalant le passage de leur bande neigeuse par de tendres cris,.les joyeux oiseaux volaient, guidés par l’amour ; et Dévadatta, cousin du prince, bandant son arc, décocha une bien dirigée qui atteignit les larges ailes du pronier cygne étendues pour glisser sur la libre route bleue, de sorte qu’il tomba percé de la pointe cruelle, de larges gouttes de sang écarlate teignant ses plumes immaculées. Voyant cela, le prince Siddârdia releva tendrement l’oiseau, le plaça dans son sein, s’assit les genoux avisés, comme s’assied le seigneur Bouddha, et, pour apaiser la frayeur de l’animal sauvage, arrangea ses ailes froissées, calma son cœur rapide, le caressa doucement avec ses boimes mains légères, lisses comme des feuilles de bananier fraîchement ouvertes ; et pendant que sa main gauche tenait l’oiseau, la droite retirait l’acier cruel et mettait des feuilles firaîches et du miel calmant sur la blessure. Et l’enfant ignorait tellement ce