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contribuant à celui des autres, atteindre la béatitude suprême, le Nirvâna[1], et les y amener à notre suite que par l’abnégation, la sympathie et la charité. Inversement, la douleur a pour cause l’ignorance qui, nous leurrant par des apparences illusoires, nous inspire l’égoïsme, le désir des biens passagers et nous détourne de « la voie droite ». Ainsi, au plus haut degré, la science et l’amour, la métaphysique et la morale se confondent pour résoudre le problème du mal, supprimer la lutte et la souffrance, et engendrer la félicité individuelle et universelle.

Mais Bouddha a compris que ces vérités transcendantes n’étaient pas accessibles immédiatement à toutes les intelligences.

Pour la foule, il a traduit la doctrine du Karma sous la forme du mythe, populaire dans l’Inde, de la métempsycose, et prescrit l’observance de quelques règles de conduite fort simples qui suffisent à assurer la raison pratique

  1. Nous pensons, avec M. Edwin Arnold, que le Nirvâna n’est pas l’anéantissement, ni même le repos absolu ; nous n’en voulons d’autre preuve que ce prétexte si souvent répété par Bouddha : « Délivré, délivre ; arrivé à l’autre rive, fais-y arriver les autres ; consolé, console ; parvenu au Nirvâna complet fais-y parvenir les autres ». C’est l’existence dans l’infini et l’éternel, affranchie des contingences misérables, réalisée par le renoncement à l’altruisme ; en effet, suivant la belle expression d’un éloquent penseur contemporain : « Vivre en autrui est la vie la plus haute, car lorsque, par un acte de liberté, nous avons franchi nos propres limites, nous n’en rencontrons plus et une sorte d’infinité s’ouvre à nous ». (J. Jaurès, Revue de Paris, 1er décembre 1898.)