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la piété d’une épouse. Cette tombe est modeste et conforme à tes vœux[1] ; mais notre encens et les hommages de la postérité en feront un autel. Malgré deux mille ans et les barbares, le laurier qui survit au mausolée de Virgile reçoit encore le culte d’une admiration passionnée. Virgile ! Combien les destinées de ce grand poëte ont de ressemblance avec les tiennes ! Tous deux vous avez été instruits à l’école du malheur, toi dès l’enfance et lui dans la jeunesse ; tous deux vous avez chanté au milieu des guerres civiles ; tous deux vous avez essayé d’amollir, par de douces et innocentes peintures, les passions les plus féroces ; tous deux vous avez rendu sœurs la noble poésie et l’austère phylosophie ; tous deux vous avez surpassé Lucrèce dans l’art de prêter le charme du langage des dieux à la raison et à la vérité, tous deux vous comptez des amis et des contemporains illustres ; tous deux vous avez joui vivans de votre renommée ; tous deux vous avez recueilli les témoignages unanimes de l’admiration publique ; tous deux vous avez parcouru les mers qui conduisent à Troie, reconnu

  1. On lit les vers suivans dans une épitre de DELILLE, à son épouse.

    Écoute-donc, avant de me fermer les yeux,
    Ma dernière prière et mes derniers adieux.
    Je te l’ai dit ; au bout de cette courte vie,
    Ma plus chère espérance et ma plus douce envie.
    C’est de dormir au bord d’un clair ruisseau,
    À l’ombre d’un vieux chêne ou d’un jeune arbrisseau :
    Que ce lieu ne soit pas une profane enceinte,
    Que la religion y répande l’eau sainte,
    Et que de notre foi le signe glorieux,
    s’immola pour nous le rédempteur du monde,
    M’assure, en sommeillant dans cette nuit profonde,
    De mon réveil victorieux

    Cette belle épitre est en tête du Poëme de l’Imagination. Et sera imprimé dans une des livraisons prochaines.