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« Pour les mânes plaintifs, à la douleur en proie,
« Nous pleurons aujourd’hui ; notre deuil est leur joie.
« La puissante prière a droit de soulager
« Tous ceux qu’éprouve encore un tourment passager.
« Allons donc visiter leur funèbre demeure.
« L’homme, hélas ! s’en approche, y descend à toute heure.
« Consolons-nous pourtant ; un céleste rayon
« Percera des tombeaux la sombre région.
« Oui, tous ses habitans, sous leur forme première ?
« S’éveilleront surpris de revoir la lumière ;
« Et moi, puissé-je alors, vers un monde nouveau,
« En triomphe, à mon Dieu, ramener mon troupeau ! »
Il dit, et prépara l’auguste sacrifice.
Tantôt ses bras tendus montraient le ciel propice ;
Tantôt il adorait, humblement incliné.
Ô moment solennel ! ce peuple prosterné,
Ce temple, dont la mousse a couvert les portiques,
Ses vieux murs, son jour sombre, et ses vitraux gothiques,
Cette lampe d’airain, qui, dans l’antiquité,
Symbole du soleil et de l’éternité,
Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue,
La majesté d’un Dieu, parmi nous descendue,
Les pleurs, les vœux, l’encens, qui montait vers l’autel,
Et de jeunes beautés, qui, sous l’œil maternel,
Adoucissent encor, par leur voix innocente,
De la religion la pompe attendrissante ;
Cet orgue qui se tait, ce silence pieux ;
L’invisible union de la terre et des cieux ?
Tout enflamme, agrandit, émeut l’homme sensible ;
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Où, sur des harpes d’or, l’immortel Séraphin
Aux pieds de Jéhovah chante l’hymne sans fin.
C’est alors que sans peine un Dieu se fait entendre ;
Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre ;
Il doit moins se prouver qu’il ne doit se sentir.