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LA FÊTE DES MORTS,
DANS UNE CAMPAGNE.



Déja, du haut des cieux, le cruel sagittaire
Avait tendu son arc, et ravageait la terre ;
Les coteaux et les champs, et les prés défleuris,
N’offraient de toutes parts que de vastes débris.
Novembre avait compté sa première journée.
Seul alors, et témoin du déclin de l’année,
Heureux de mon repos, je vivais dans les champs.
Et quel poëte, épris de leurs tableaux touchans,
Quel sensible mortel, des scènes de l’automne
N’a chéri quelquefois la beauté monotone !
Oh ! comme avec plaisir la rêveuse douleur,
Le soir, foule à pas lents ces vallons sans couleur,
Cherche les bois jaunis, et se plait au murmure
Du vent qui fait tomber leur dernière verdure.
Ce murmure a pour moi je ne sais quel attrait.
Tout à coup si j’entends s’agiter la forêt,
D’un ami qui n’est plus, la voix long-temps chérie
Me semble murmurer dans la feuille flétrie.
Aussi, c’est dans ce temps que tout marche au cercueil,
Que la religion prend un habit de deuil ;
Elle en est plus auguste, et sa grandeur divine
Croit encore à l’aspect de ce monde en ruine.
Aujourd’hui, rarement un usage pieux,
Sa voix rouvrait l’asile où dorment nos aïeux.
Hélas ! ce souvenir frappe encor ma pensée.