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L’emplacement qu’ils occupaient nous rappelle ce temps désastreux où une fureur sacrilège porta un certain nombre de Français à violer les asiles des morts, à disperser leurs ossemens, à briser leurs tombeaux, à détruire enfin tous les monumens élevés par la piété des familles à la mémoire des personnes qu’elles avaient chéries. Alors on vit une guerre d’une espèce toute nouvelle se déclarer contre ces objets vénérables, que leur destination aurait dû soustraire à la rapacité des méchans : alors on vit un spectacle qui n’avait jamais paru dans le monde, même chez les peuples les plus sauvages, une multitude acharnée contre de froides dépouilles, descendre le marteau à la main dans les retraites sépulcrales, ouvrir les tombes des rois et des grands hommes, insulter à leurs cadavres, et s’en faire un jouet, comme les bêtes féroces de leur proie lorsqu’elles en ont dévoré les chairs. Dès ce moment la religion des tombeaux disparut de la France, et peu s’en fallut que la doctrine aussi barbare qu’insensée de l’athéisme n’enlevât aux morts l’antique asile des cimetières, pour leur faire partager la sépulture des bêtes de somme. Au moins changea-t-on cette dénomination de cimetière, parce qu’elle signifie un endroit où l’on dort, pour adopter celle de champ du repos, dont la signification se rapproche de l’opinion contraire à la croyance d’une résurrection générale des corps. Dans l’embarras où se trouvaient les familles de se procurer des sépultures particulières où elles pussent consigner, par des monumens, leurs regrets pour les pertes qu’elles éprouvaient, elles introduisirent l’usage profane d’enterrer leurs morts dans des jardins, et autres endroits, ou exposés aux insultes publiques et particulières, ou dérobés à la surveillance du gouvernement.

Enfin arriva le moment où tous les souvenirs se portèrent avec horreur sur les profanations des tombeaux, où tous les vœux réclamèrent et des cérémonies funèbres, et des cimetières d’une étendue et d’une situation convenables, et la liberté d’élever des monumens. Dans la capitale, le chef du