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exercice de rhétorique (comme l’a prétendu Montaigne) ; il l’a reconnu dans son Discours sur la Renaissance des lettres à Bordeaux au xvie siècle, auquel il renvoie le lecteur, et il le confirme aujourd’hui. Ce qui ne l’empêche pas d’y voir « une dissertation philosophique dans le sens abstrait », bien qu’il soit en même temps « une philippique contre le peuple qui oublie ses devoirs en abdiquant ses droits », « une provinciale contre l’abandon des droits de tous au profit d’un seul », étant bien entendu que cette nation qui oublie ses droits, c’est la France ; car c’est bien à ses contemporains que La Boétie conseille, « non de s’élever furieux pour renverser un trône », mais de se rendre digne d’en monter les degrés pour demander des lois, au lieu de subir les volontés qu’on lui dicte. Je n’entreprends pas de concilier deux définitions évidemment contradictoires du Contr’un.

Voici l’analyse de la thèse de M. Dezeimeris :

« Pour convaincre ses contemporains du danger qu’il y a pour un peuple à ne participer que par inertie ou par un aveugle acquiescement à ce qui se fait en son nom, l’auteur du Contr’un s’est gardé de prendre ses arguments dans les faits contemporains. Il a cherché « un exemple déterminé dans le passé », et il n’a pas eu de peine à le rencontrer dans l’histoire du règne de Charles VI. Les événements de ce règne, tels que La Boétie a pu les connaître par les chroniqueurs, tels aussi qu’il a pu les recueillir de ses « grands-pères » (d’ailleurs décédés depuis longtemps quand il est né) présentent, avec ceux qu’il avait sous les yeux, une saisissante concordance, qui se retrouve aussi entre la physionomie morale de Charles VI et le portrait du tyran du Contr’un.

Je ne sais quelles traditions orales La Boétie a pu recueillir ainsi, sans sortir de Sarlat, où il a fait probablement, de l’avis de ses biographes, toute son éducation. Mais si, à défaut de ces entretiens de famille, dont aucun écho n’est parvenu jusqu’à nous, nous consultons les chroniqueurs et les historiens qui depuis cinq cents ans ont étudié le xive et le xve siècle, nous ne trouvons rien dans le portrait qu’ils donnent de Charles VI qui ressemble au tyran du Contr’un ; nous n’y rencontrons