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toile, à la date du 30 mai, relate la mort du roi « à la suite d’une longue et violente maladie, en raison de laquelle on avait prévu sa mort plus de trois mois auparavant ». On lit, dans les Mémoires de l’État de France sous Charles IX[1] que « Catherine et le roi de Pologne attendent avec impatience la mort de Charles qui avait traîné tout l’hiver ; on était convaincu d’ailleurs que la reine-mère cherchait à hâter la mort par le poison[2].

En 1573 avait paru la première édition du Réveille-Matin. Charles IX alors n’était pas dangereusement malade ; aussi n’y parle-t-on guère que de lui ; le fameux portrait du tyran n’y est pas. Mais la deuxième édition paraît en 1574. Catherine et son fils Henri, cédant aux menaces de Charles, qui ne voulait plus supporter la présence de son frère, se sont résignés au départ pour la Pologne ; mais Henri n’a quitté la France qu’après avoir obtenu de Charles une déclaration portant qu’il conserve, lui et ses hoirs, ses droits éventuels à la couronne de France[3] ; il s’est promis un prompt retour, « à cause de l’indisposition du roi et du reliquat de sa maladie qui le rattraperait en l’esté ensuyvant »[4]. Catherine lui a dit : « Partez, mon fils, vous ne demeurerez guère ». Cette parole, que rapporte d’Aubigné, les protestants l’ont connue, et ils en gardent l’épouvante, car ils savent que d’Anjou n’a jamais cessé d’être proclamé par le pape, qui le subventionne, le vrai chef des ultra-catholiques. Ils savent que, suivant l’expression de Davila, l’historien le mieux informé peut-être, des véritables intentions d’Henri, celui-ci, « nourri et élevé dès sa première jeunesse à faire la guerre aux réformés, brûlait du désir de les déchirer et de les exterminer avec tous leurs partisans[5] ». Leurs écrits débordent de haine à l’endroit du frère de Charles IX, et ils ne craignent rien tant que sa rentrée dans son pays. Comment M. Bonnefon, devant de tels témoignages, peut-il se refuser à reconnaître qu’à ce moment ce n’est plus Charles IX que les protestants redoutent ! Comment peut-il soutenir qu’à cette date de mars 1574, les protestants n’avaient aucun motif de redouter la tyrannie prochaine du roi de Pologne ; « qu’ils ne nourrissaient aucune animosité particulière contre lui, ne le regardant pas alors d’un mauvais œil, que d’ailleurs, il était roi de Pologne, et que rien ne faisait craindre qu’il dût quilter son royaume pour venir régner en France » ?

Il fait état d’un document, où, à mon avis, l’on trouve, au con-

  1. T. III, fol. 148 V°.
  2. Brantôme croyait à l’empoisonnement (Ibid., t. V, p. 271).
  3. Henri Martin, Histoire de France, IX, 336.
  4. Mémoires de l’Estat de France, 1578, t. III, fol. 16.
  5. Davila, Histoire des guerres civiles, 1757, t. II, p. 14.