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L’être se prend dans un double sens[1]. Il se peut donc, d’une certaine façon, que le non-être produise quelque chose ; et d’une autre façon, cela est impossible. Il se peut que le même objet soit en même temps, être et non-être, mais non pas sous le même point de vue de l’être. En puissance, il est possible que la même chose soit les contraires ; mais en acte, cela est impossible. D’ailleurs, nous réclamerons auprès de ceux dont il s’agit, pour la conception de l’existence dans le monde d’une autre substance, qui n’est susceptible ni de mouvement, ni de destruction, ni de naissance[2].

C’est encore l’aspect des objets sensibles qui a fait naître chez quelques-uns l’opinion de la vérité de ce qui paraît. Suivant ceux-là, ce n’est pas au grand nombre, ce n’est pas non plus au petit nombre qu’il appartient de juger de la vérité. Si nous goûtons de la même chose, elle paraîtra douce aux uns, amère aux autres. De sorte que si tout le monde était malade ou que tout le monde eût perdu la raison, et que deux ou trois seulement fussent en bonne santé ou possédassent leur bon sens, ces derniers seraient alors les malades et les insensés, et non pas les autres. D’ailleurs, les choses paraissent à la plupart des animaux le contraire de ce qu’elles nous paraissent ; et chaque individu, malgré son identité, ne juge pas toujours de la même manière par les sens. Quelles sensations sont donc vraies ? quelles sensations sont donc fausses ? C’est ce qu’on ne saurait voir : ceci n’est en rien plus vrai


  1. L’être en puissance et l’être en acte.
  2. Liv. XII, 6.