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les arts qui regardent les besoins et ceux qui s’appliquent au bien-être et au plaisir étaient connus déjà, quand on commença à chercher les explications de ce genre. Il est donc évident que nous n’étudions la philosophie pour aucun autre intérêt étranger.

De même que nous appelons homme libre celui qui s’appartient et qui n’a pas de maître, de même aussi cette science, seule entre toutes les sciences, peut porter le nom de libre. Celle-là seule, en effet, ne dépend que d’elle-même. Aussi pourrait-on à juste titre regarder comme plus qu’humaine la possession de cette science. Car la nature de l’homme est esclave par tant de points, que Dieu seul, pour parler comme Simonide, devrait jouir de ce beau privilège[1]. Toutefois il est indigne de l’homme de ne pas chercher la science à laquelle il peut atteindre[2]. Si les poètes ont raison, si la divinité est capable de jalousie, c’est à l’occasion de la philosophie surtout que cette jalousie devrait naître, et tous ceux qui s’élèvent par la pensée

  1. Voyez dans le Protagoras, c. XXX, p. 344, le passage de Simonide auquel Aristote fait allusion. Voyez aussi Gaisford, Pœtæ græci minores, t. I, p. 597. Plusieurs critiques ont essayé de restituer les vers de Simonide épars dans le texte de Platon.
  2. Ethic. Nicom., X, 7, 8. Bekk., p. 1177, sq. Nous avons surtout remarqué le passage suivant : « Nous ne devons pas, bien que nous ne soyons que des hommes, nous borner, comme quelques-uns le veulent, aux connaissances, aux sentiments purement humains ; nous réduire, tout mortels que nous sommes, à une condition mortelle : il faut nous affranchir au contraire, autant qu’il est en notre pouvoir, des liens de la condition mortelle, et tout faire pour vivre conformément à ce qu’il y a de meilleur en nous. »