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devenir susceptible d’être entendu, et réciproquement, de même l’être qui est supposé extérieur à nous ne peut devenir notre parole ; et la parole n’étant pas, il n’est pas possible d’expliquer rien à un autre. Le discours, en effet, comme le dit Gorgias, ne se compose que des choses extérieures qui viennent à tomber dans notre esprit, c’est-à-dire des choses que nos sens perçoivent. Ainsi, par suite de la prédominance d’un certain goût, dans la chose goûtée, se forme en nous la parole que nous exprimerons sur cette qualité particulière ; par suite de l’introduction de la couleur, se forme la parole que nous en exprimons. Si cela est, ce n’est pas la parole qui représente ce qui est au dehors ; mais c’est l’objet extérieur, au contraire, qui indique la parole.

On ne peut pas dire que la parole soit de la même façon que peuvent être les choses visibles ou entendables, de telle manière que, la parole étant une fois supposée, on puisse en inférer les êtres et les sujets extérieurs ; car si la parole est un sujet aussi, dit Gorgias, il diffère tout au moins de tous les autres sujets ; et, par exemple, quelle distance n’y a-t-il pas entre les objets visibles et les mots qui les expriment ? En effet, c’est par un organe différent que les objets visibles sont perçus, et qu’est perçue la parole qui les exprime. Ainsi, la parole ne peut pas montrer en soi la plus grande partie des objets extérieurs, de même que la plupart des objets ne peuvent pas mutuellement révéler la nature les uns des autres. »

Tels sont les raisonnements de Gorgias, qui, dans la mesure de leur valeur, détruisent tout critérium de la vérité ; car il n’y a plus de critérium du moment que l’être