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l’unité de l’être. Mais voici d’autre part des raisons qui la démontrent aussi. S’il y avait des êtres multiples, il faudrait qu’ils fussent chacun comme est l’être dont j’affirme l’unité. Si la terre et l’eau, si l’air, le fer, l’or et le feu, si le vivant et le mort, si le blanc. et le noir et tout le reste des choses que les hommes prennent pour vraies, existent en effet telles qu’on les dit, il faut que chaque chose soit réellement ce qu’elle nous a d’abord paru, qu’elle ne change pas d’état, et qu’elle ne devienne pas autre, mais qu’elle reste toujours ce qu’elle est. Mais nous croyons, dans l’état présent des choses, les bien voir, les bien entendre, et les bien concevoir. Or le chaud nous semble devenir froid, le froid devenir chaud, le dur devenir mou, le mou devenir dur, le vivant nous semble mourir, et renaître de ce qui ne vit plus ; tout sans exception nous parait devenir autre ; rien ne paraît rester au même état où il a été et où il est. Le fer lui-même quelque dur qu’il soit, s’use au contact du doigt. L’or, la pierre et tout autre corps qui nous parait si dur, viennent de l’eau comme en viennent la terre et la pierre. Par conséquent, on peut dire que nous ne voyons ni ne connaissons les êtres dans leur réalité. Ainsi tout cela est bien loin de se correspondre. Nous disons bien de certaines choses qu’elles sont éternelles, et nous n’en voyons pas moins toutes leurs formes et toutes leurs propriétés changer sous nos yeux, et cesser d’être ce que nous les avions vues dans chaque cas particulier. Donc il faut convenir que nous ne voyons pas bien les choses, et que c’est à tort que les choses nous semblent multiples ; car elles ne changeraient pas, si elles étaient vraies ; mais elles seraient ce que chacune nous paraîtrait être, puisqu’il