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ni dans un autre. Alors il y aurait donc deux ou plusieurs infinis, celui qui est dans l’autre, et celui dans lequel l’autre est. N’étant nulle part, il n’est rien, d’après les arguments de Zénon sur le lieu des êtres. Par ces raisons, Gorgias conclut que l’être n’est pas incréé.

§ 7.[1] Mais l’être ne peut pas davantage avoir été créé. Il ne peut, en effet, être sorti ni de l’être ni du non-être ; car si l’être venait à déchoir en étant créé, il n’était donc pas l’être, de même que le non-être ne serait plus le non-être du moment qu’il deviendrait quelque chose. D’autre part, l’être ne peut pas non plus venir du non-être ; car si le non-être n’est pas, il est dès lors impossible que quoi que ce soit naisse de rien ; et si par hasard le non-être existe, par les mêmes raisons qui font que l’être ne peut pas même venir de l’être, il ne peut pas non plus venir du non-être, qui est.

§ 8.[2] Si donc il est nécessaire, du moment que quelque chose existe, que ce quelque chose soit incréé ou créé, et

    étant nulle part, on conclut qu’il n’est pas du tout, comme on l’indique un peu plus bas. — De Zénon, voir plus haut, ch. 5, § 3. — Sur le lieu des êtres, j’ai ajouté ces deux derniers mots. Pour la théorie de Zénon, voir la Physique d’Aristote, livre IV, ch.3, § 6, page 146 de ma traduction, et ch. 5, § 10, page 161. — Gorgias conclut, Gorgias n’est pas nommé et le texte n’est pas aussi explicite. Voir plus loin l’analyse de Sextus Empiricus, où cette argumentation est plus développée.

  1. § 7. Ne peut pas davantage avoir été créé, ou « être devenu ; » c’est la seconde partie de l’argumentation de Gorgias. — Il ne peut en effet, toujours selon l’argumentation de Gorgias. — Venait à déchoir, c’est l’expression même du texte. L’être, pour devenir, devrait perdre sa dignité d’être et commencer par n’être plus pour devenir quelque chose. — Le non-être ne serait plus le non-être, mais il semble ici que le non-être, au lieu de déchoir, monterait en quelque sorte pour devenir quelque chose. Ce sont là de pures subtilités de mots. — Que quoi que ce soit naisse de rien, c’est le principe de Mélissus, voir plus haut, ch. 1, § 1. — Par hasard, j’ai ajouté ces mots.
  2. § 8. Soit incréé ou créé, voir plus