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deux ou l’un des deux doivent être ou ne pas être ; car le non-être, dit Gorgias, n’existerait pas moins que l’être, si n’être pas était aussi quelque chose. Aussi, ne dit-on jamais que le non-être soit du tout en quoi que ce soit. Or si le non-être est à l’état de non-être, alors le non-être n’est pas du tout de la façon qu’est l’être ; car il n’est qu’à l’état de non-être, tandis que l’être est réellement.

§ 3.[1] S’il était vrai que le non-être existât d’une manière absolue, il serait tout au moins bien étonnant de dire que le non-être existe. Mais s’il en est ainsi, par hasard, alors comment jamais en conclure pour les choses qu’elles soient plutôt qu’elles ne soient pas ? Car il semble que le contraire même pourrait être tout aussi réel.

§ 4.[2] Si le non-être est et que l’être soit aussi, alors tout est, puisque tout ce qui est et tout ce qui n’est pas est indifféremment, et qu’il n’est pas du tout nécessaire, si le non-être

  1. § 3. Existât d’une manière absolue, c’est-à-dire, au même titre que l’être lui-même. — Bien étonnant, il y a peut-être dans le texte grec une nuance d’ironie. qui convient en effet très bien contre toutes ces subtilités. — Qu’elles soient plutôt qu’elles ne soient pas, c’est évident ; mais alors Gorgias triomphe, et il en conclut que rien n’existe. L’argument est donc à double fin, et l’on en peut tirer l’être aussi bien que le non-être. — Le contraire même, c’est-à-dire : « le contraire de ce que l’on dit est tout aussi réel que ce qu’on dit. »
  2. § 4. Si le non-être est, ainsi que le prétend Gorgias. — Tout est, j’ai conservé l’indécision du texte ; le non-être existe tout aussi réellement que l’être ; la négation est tout aussi vraie que l’affirmation. — Indifféremment, n’être pas était aussi quelque chose, la contradiction est flagrante jusque dans les termes ; mais les Sophistes n’y regardaient pas de si près. — Ne dit-on jamais, aussi personne, si ce n’est les Sophistes comme Gorgias et les autres, ne s’avise-t-il de jamais donner la moindre réalité ni la moindre existence au non-être. — A l’état de non-être, c’est toujours sur le verbe substantif que roule l’équivoque ; puisque le non-être est le non-être, il est, il existe tout aussi réellement que l’être lui-même. — De la façon qu’est l’être, la réponse est péremptoire.