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§ 10.[1] Admettons, si l’on veut, que ces deux opinions sont contraires l’une à l’autre, comme Mélissus le suppose : d’abord, qu’en soutenant la multiplicité, on est forcé de la faire sortir du non-être ; et qu’ensuite ceci étant impossible, on doit en conclure que les êtres ne sont pas multiples, l’être, par cela seul qu’il est, étant infini, et à titre d’infini, étant un.

§ 11.[2] Nous prétendons que ces deux opinions ne prouvent pas plus l’une que l’autre que l’être est un, ou qu’il est multiple. Mais si l’une des deux est plus vraie et plus solide, les conséquences qu’on en fait sortir sont aussi mieux démontrées. Or, si nous avons à la fois ces deux convictions que rien ne peut venir de rien, et que les êtres sont multiples et mobiles, cette dernière nous paraissant la plus digne de foi, c’est à elle que tous les hommes donneront leur assentiment plutôt qu’à l’autre. Par conséquent, si ces deux assertions sont contraires en effet, et s’il est impossible que rien vienne de rien et que les êtres soient multiples, ces

    ces premiers principes, qui sont eux-mêmes indémontrables, parce qu’ils sont évidents.

  1. § 10. Comme Mélissus le suppose, le texte dit simplement : « comme il le suppose ; » voir plus haut, § 1, et la Dissertation, page 195. Toute cotte phrase est un peu embarrassée dans ma traduction, comme elle l’est dans le texte grec. — On est forcé de la faire sortir du non-être, voir plus haut, § 1.
  2. § 11. Nous prétendons, l’expression du texte n’est peut-être pas aussi formelle. — Les conséquences qu’on en fait sortir, ou « Les conclusions qu’on en tire. » Il est clair d’ailleurs que le principe d’où l’on part étant lui-même plus solide, la démonstration qu’il produit est plus solide aussi. — Les deux convictions, l’expression grecque signifie plus directement : suppositions, conjectures. — Rien ne peut venir de rien, ceci est vrai, appliqué aux êtres de la nature. Ce ne l’est pas autant appliqué à Dieu ; et quand il s’agit de lui, il faut bien arriver à une création e nihilo, c’est-à-dire à une véritable création. — Les êtres sont multiples et mobiles, comme nous l’atteste le témoignage irrécusable de nos sens. — Ces théories se réfutent, et alors quelque chose peut