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livres divins et révélés. Orphée, Linus et les chantres antiques des premiers mystères n’ont parlé qu’en leur nom ; le polythéisme, variable et dispersé comme il l’était, n’est jamais arrivé à se concentrer dans un corps de doctrines qui pût devenir une orthodoxie. Jamais les pontifes n’ont formé une corporation puissante et dominatrice ; on les révérait, on ne leur obéissait pas. Quelques croyances communes modifiées par les diversités infinies des légendes locales, quelques cérémonies générales qui n’avaient rien d’obligatoire, des oracles que l’on consultait à son gré, des jeux solennels, voilà les liens très relâchés de l’Hellénisme. Le seul livre qui l’ait passionné, c’est une épopée. Mais une épopée charme les esprits et ne les conduit pas ; elle ravit les cœurs, mais n’impose pas la foi ; elle entretient de nobles sentiments par des souvenirs patriotiques, mais elle ne règle pas les mœurs. Un poème épique n’est ni la Bible, ni le Zendavesta, ni les Mantras du Brahmanisme, ni la Triple Corbeille des Bouddhistes. A vrai dire, la philosophie a été la seule religion sérieuse des Hellènes.

C’est de l’indépendance absolue de la philosophie dans le monde Grec qu’est venue sa grandeur, qui nous étonne et nous instruit encore après vingt-cinq siècles. Sous la tutelle d’une religion mieux disciplinée, qui sait si elle fût née aussi promptement,