Page:Aristote - Politique, Thurot, 1824.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

but de faire connaître ce qui est utile ou nuisible, et par conséquent aussi ce qui est juste ou injuste.

11. En effet, ce qui distingue essentiellement l’homme des autres animaux, c’est qu’il a le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des autres [qualités ou propriétés de ses actions.] Or, la communication de ces sentiments constitue la famille et la cité. Au reste, dans l’ordre de la nature, la cité est avant la famille, et avant chaque individu ; car il faut nécessairement que le tout existe avant l’une quelconque de ses parties, puisque, en supposant le tout anéanti [le corps par exemple], il n’existera plus ni pied ni main, que nominativement, comme qui dirait une main de pierre ; car la main séparée du corps, et mutilée, ne sera plus une main qu’en ce sens [c’est-àdire seulement de nom.] C’est que toutes choses sont déterminées par leur emploi et par leurs facultés, en sorte que, du moment où elles ne sont plus telles, on ne peut plus dire qu’elles soient les mêmes, que nominativement.

12. Il est donc évident que, dans l’ordre de la nature, la cité existe avant chaque individu (1) ;

(1) Aristote entend par premier dans l’ordre de la nature, ce qui doit avoir la priorité dans notre entendement, c’est-à-dire, par exemple, les idées générales et abstraites, par rapport aux idées singulières et individuelles ; parce que, dans sa doctrine, les idées générales sont la cause ou le principe déterminant des idées particulières. Voyez Categor. c. 12 ; Metaphysic. l. 4, c. 11, et Analytic. Poster. l. 1, c. 2.