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flûte) tournent sur eux-mêmes lorsqu’il s’agit d’imiter un disque, et qu’ils entraînent le coryphée[1] quand ils exécutent, au son de la flûte, la scène de Scylla[2].

III. La tragédie est donc dans les conditions où les anciens (acteurs) disaient être ceux qui les ont suivis. Ainsi Mynniscos, voyant Callipide jouer avec exagération, l’appelait singe, et telle était aussi la réputation de Pindaros. Or, ce que ces acteurs étaient aux yeux de leurs critiques, l’art tout entier (de la tragédie) l’est pour l’épopée.

IV. On prétend que celle-ci s’adresse à des gens de sens rassis, parce qu’ils n’ont pas besoin de voir des gestes, tandis que la tragédie s’adresse à des spectateurs d’un goût inférieur. Par conséquent, si elle est vulgaire, il est évident qu’elle pourrait bien être inférieure.

V. D’abord l’accusation n’atteint pas la poétique, mais plutôt l’hypocritique[3], puisque c’est dans les gestes que l’on peut mettre de l’exagération en déclamant, ce que faisait Sosistrate, et en chantant, ce qui caractérisait le chant de Mnasithée d’Opunte.

VI. Ensuite, il ne faut pas désapprouver toute sorte de mouvement, puisque ce n’est pas la danse, mais la danse mal exécutée (qui prête à la critique), comme celle qu’on reprochait à Callipide, et qu’on reproche aujourd’hui à d’autres de ce qu’ils imitent des femmes de bas étage.

VII. De plus, la tragédie, même sans mouvement, remplit sa fonction propre de même que l’épopée ; car, rien qu’à la lecture, on peut bien voir quelle en est la qualité. Par conséquent, si elle l’emporte sur

  1. Le chef de chœur.
  2. Parce que le gouffre de Scylla attire les navigateurs.
  3. L’art de la mise en scène, le jeu scénique.