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ou cette expression :

Le rivage mugit[1],

au lieu de celle-ci :

Le rivage crie[2].

XI. Ariphrade, en outre, raillait les auteurs tragiques de ce qu’ils emploient telles façons de parler que personne ne ferait entrer dans la conversation, comme, par exemple, δωμάτων ἄπο, et non pas ἀπὸ δωμάτων[3], ou les formes σέθεν[4], ἐγὼ δέ νιν[5], Ἀχιλλέως πέρι, et non pas περὶ Ἀχιλλέως[6], ou d’autres formes analogues. Comme elles ne rentrent pas dans les termes propres, elles ôtent au style sa vulgarité, et c’est ce que cet Ariphrade ne voyait pas.

XII. Il n’est certes pas indifférent de faire un emploi convenable de chacune des formes précitées, noms doubles et noms étrangers ou gloses : mais le plus important, c’est d’avoir un langage métaphorique ; car c’est le seul mérite qu’on ne puisse emprunter à un autre et qui dénote un esprit naturellement bien doué, vu que, bien placer une métaphore, c’est avoir égard aux rapports de ressemblance.

XIII. Parmi les noms, ceux qui sont doubles conviennent surtout aux dithyrambes, les mots étrangers à la poésie héroïque et les métaphores aux ïambes[7]. Dans la poésie héroïque, tous les moyens expliqués plus

  1. Ἠϊόνες βοῶσιν.
  2. Κράζουσιν.
  3. Loin des demeures.
  4. Au lieu de ἀπό σου, loin de toi.
  5. Au lieu de ἐγὼ δ’ αὐτόν.
  6. Au sujet d’Achille.
  7. Il s’agit ici des ïambes de la poésie dramatique, et non des anciens ïambes, tels que ceux d’Archiloque.