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IV. Tout nom est ou bien un mot propre, ou un mot étranger (glose), ou une métaphore, ou un ornement, ou un mot forgé, ou allongé ou raccourci, ou altéré.

V. J’appelle « mot propre » celui qu’emploie chaque peuple[1], « glose » (ou mot étranger) celui qui est en usage chez les autres peuples. On voit qu’un même mot peut être mot propre et glose, mais non pas dans le même pays. Ainsi le mot σίγυνον est un mot propre pour les Cypriens[2] et une glose pour nous.

VI. La métaphore est le transfert d’un nom d’autre nature, ou du genre à l’espèce ou de l’espèce au genre, ou de l’espèce à l’espèce, ou un transfert par analogie.

VII. J’appelle transfert du genre à l’espèce, par exemple :

Ce mien navire resta immobile[3].

En effet, être à l’ancre, pour un vaisseau, c’est être immobile.

De l’espèce au genre (par exemple) :

Oui, certes, Ulysse accomplit des milliers de belles actions[4].

Des milliers a le sens de un grand nombre, et c’est dans ce sens que cette expression est employée ici.

  1. Pour désigner une seule et même personne, une seule et même chose dans un pays donné.
  2. Cp. Hérodote, V, 9 : « Les Cypriens appellent σιγύννας les lances (δόρατα) ». Voir, dans la Revue archéologique, 1879, 2e série, XXXVII, p. 373, un article de G. Colonna Ceccaldi sur la sigyne et le verutum des anciens.
  3. Homère, Odyssée, XXIV, 310. — Cp. Odyssée, I, 181.
  4. Homère, Iliade, II, 272.