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IV. Il faut s’appliquer surtout à posséder toutes ces ressources, ou sinon, au moins les plus importantes et la plupart d’entre elles, surtout aujourd’hui que l’on attaque violemment les poètes.

V. En effet, comme il y a eu de bons poètes dans chaque partie, on exige de chacun d’eux qu’il soit supérieur à chacun de ceux qui avaient un mérite particulier.

VI. Il est juste aussi de dire qu’une tragédie est semblable ou différente, sans considérer peut-être la fable mise en œuvre, mais plutôt la ressemblance inhérente au nœud et au dénouement. Or beaucoup de poètes tragiques ourdissent bien le nœud, et mal le dénouement ; mais il faut que l’un et l’autre enlèvent les applaudissements.

VII. On l’a dit souvent, et il faut se le rappeler et ne pas faire de la tragédie une composition épique ; j’appelle ainsi une série de fables nombreuses, comme, par exemple, si l’on prenait pour sujet toute l’Iliade. Dans ce cas[1], l’étendue de l’œuvre fait que les parties reçoivent chacune leur grandeur convenable ; mais, dans les actions dramatiques, il en résulte un effet contraire à l’attente.

VIII. En voici la preuve : ceux qui ont mis en action la ruine de Troie, et cela non pas par parties comme Euripide dans Hécube[2], ou comme Eschyle, tantôt

  1. Dans le cas du poème épique.
  2. On adopte ici la leçon Ἡκάϐην que Laurent Valla parait avoir eue sous les yeux dans sa traduction. Le vieux manuscrit de Paris et tous les autres donnent Νιόϐην. Pour tout concilier, Vahlen lit ‹ ἢ › Νιόϐην ; mais comment admettre que les noms d’Euripide et d’Eschyle soient séparés par le titre d’une tragédie anonyme ? — « ou comme Eschyle ». D’autres traducteurs interprètent : « Et non pas comme Eschyle, » supposant ici une allusion à ses trilogies ; mais chacune des pièces qui les composent forme une œuvre à part, instituée conformément aux