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propre aux harangues ; les enthymèmes, aux discours judiciaires ; car les premières ont trait à l’avenir et, par suite, c’est dans les faits passés qu’il faut puiser des exemples. Les seconds se rapportent à ce qui a ou n’a pas lieu, et c’est plutôt sur ce point que se fait la démonstration et que la nécessité s’impose ; car le passé a un caractère de nécessité.

VI. Seulement, il ne faut pas donner les enthymèmes tout d’un trait, mais les entremêler ; ; autrement, il se nuisent entre eux, car toute quantité a une mesure :

O mon ami, tu as dit ni plus ni moins que ce qu’aurait dit un homme sage[1].

Mais non pas : « les choses telles que les aurait dites… »

VII. Il ne faut pas non plus chercher à placer des enthymèmes à tout propos ; sinon, tu feras ce que font quelques-uns des gens qui philosophent, lesquels érigent en syllogismes des pensées plus connues et plus croyables que celles dont ils tirent leurs explications.

VIII. Lorsque tu veux produire un effet pathétique, n’emploie pas d’enthymème ; car, ou bien cet effet sera manqué, et l’enthymème sera sans portée. Les mouvements produits ensemble s’entre-détruisent, ou bien encore s’évanouissent, ou sont affaiblis. On ne doit pas non plus, lorsqu’on veut faire paraître des mœurs dans un discours, chercher, en même temps, à placer un enthymème. La démonstration (dans ce cas) ne comporte ni mœurs, ni intention.

IX. Les sentences sont de mise dans une narration

  1. Homère, Odyssée, IV, 204.