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imputation (διαβολήν). Mais le procédé n’est pas le même pour les deux cas. Lorsqu’on se défend, on répond d’abord à l’imputation ; quand on accuse, on ne la produit que dans la péroraison. La raison en est simple : celui qui se défend doit nécessairement, pour ramener l’opinion, dissiper tout ce qui entrave sa défense ; il faut donc qu’il commence par réduire à néant l’imputation ; celui qui la produit doit la produire dans la péroraison, afin qu’elle se fixe mieux dans la mémoire. Les arguments qui s’adressent à la personne de l’auditeur ont pour origine l’intention de se concilier sa bienveillance et d’exciter son indignation ; quelquefois aussi d’attirer son attention sur un point, ou, au contraire (de l’en détourner), car il n’est pas toujours avantageux d’attirer l’attention. Aussi s’efforce-t-on souvent de provoquer l’hilarité. Il y a toute espèce de moyens d’instruire l’auditoire, si tel est le dessein de l’orateur. On s’applique aussi à paraître honnête, car l’auditoire prête plus d’attention aux paroles de ceux qui le sont. Il est attentif aux choses de grande importance, à celles qui le touchent particulièrement, aux faits étonnants, à ceux qui lui font plaisir. C’est pourquoi il faut inspirer l’idée que le discours va traiter de ces sortes de questions. Maintenant, si l’on veut détourner l’attention, on suggérera l’idée que l’affaire est de mince importance, qu’elle ne touche en rien les intérêts de l’auditeur, qu’elle est pénible.

VIII. Il ne faut pas laisser ignorer que toutes les considérations de cette nature sont prises en dehors du discours[1], lorsqu’elles s’adressent à des auditeurs d’un mauvais esprit et prêtant l’oreille à des paroles étrangères à la question. En effet, si l’auditeur n’est

  1. En dehors de la cause que l’on plaide.