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que l’on voie d’avance de quoi il s’agit et que l’esprit ne reste pas en suspens, car l’indéterminé nous égare. Ainsi donc celui qui nous met un exorde en quelque sorte dans la main obtient que l’auditeur suive attentivement le discours. De là ces préambules :

Chante, Muse, la colère…[1].


Muse, dis-moi cet homme…[2].

Guide-moi maintenant pour raconter comment de la terre d’Asie une grande guerre fondit sur l’Europe[3]

Les tragiques aussi font un exposé de la pièce, sinon dès l’abord, comme Euripide, du moins dans quelque partie du prologue ; tel Sophocle :

Mon père était Polybos…θ[4].

Pour la comédie, c’est la même chose. On le voit, la fonction la plus essentielle du préambule, celle qui lui est propre, c’est de montrer le but vers lequel tend le discours. C’est pourquoi, lorsque la chose est évidente par elle-même et de peu d’importance, il n’y a pas lieu de recourir au préambule.

VII. Les autres espèces (d’exorde) mis en usage sont des expédients d’une application commune. On les emprunte soit à la personne de l’orateur ou de l’auditeur, soit à l’affaire, soit encore à la personne de l’adversaire. Ceux qui se rapportent à l’orateur ou au défendeur consistent à lancer ou à détruire une

  1. Début de l’Iliade.
  2. Début de l’Odyssée.
  3. Vers considérés généralement comme début du poème de Chœrile de Samos sur la guerre médique.
  4. Sophocle, Œdipe roi, v, 767 alias 774. Le texte a dû être altéré, ou même interpolé. Nous lirions volontiers. avec Spengel : « Sinon dès le prologue, comme Euripide, du moins, en quelque partie, comme Sophocle. » (Voir Spengel, notes, et Egger. Hist. de la critique chez les Grecs, p. 226.)