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être ni écourtés, ni prolongés. Trop de brièveté fait souvent trébucher l’auditeur ; car il arrive nécessairement, quand celui-ci, lancé sur une certaine étendue dont il mesure le terme en lui-mêmee, est brusquement interrompu par un arrêt de la phrase, qu’il trébuche, comme devant un obstacle[1]. Par contre, trop de longueur fait que l’auditeur vous abandonne, de même que ceux qui retournent sur leurs pas au delà du terme de la promenade ; car ces derniers abandonnent ceux qui se promènent avec eux. Il en est de même des périodes prolongées. Le discours ressemble alors à une introduction (dithyrambique) et il arrive ce que Démocrite de Chio reproche à Mélanippide[2] en le raillant d’avoir fait des introductions, au lieu de faire des antistrophes :

L’homme se nuit à lui-même en voulant nuire à autrui[3].

Et l’introduction prolongée nuit surtout à celui qui l’a faite[4]. En effet, c’est le cas d’appliquer ce reproche aux périodes à longs membres. Alors, si les membres sont écourtés, il n’y a plus de période.

VII. Le style composé de membres procède tantôt par divisions, tantôt par antithèses ; par divisions, comme dans cet exemple : « Je me suis souvent étonné que, parmi ceux qui ont réuni des panégyries et qui ont institué des concours gymniques[5]… ; » - par anti-

  1. C’est ce qui arrive, au propre, lorsque l’on croit avoir tant de marches à descendre et qu’il y en a un plus petit nombre.
  2. Poète qui vivait au milieu du Ve siècle et avait innové dans le dithyrambe.
  3. Ce vers est un souvenir d’Hésiode. (Œuvres et Jours, v. 263.)
  4. Cette phrase ressemble à un vers didactique.
  5. Isocrate, Panégyrique, § 1.