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enfants, qui reçoivent la nourriture, mais continuent de pleurer. » Telle encore celle qu’il faisait sur les Béotiens : « Ils ressemblent, disait-il, aux chênes verts ; car les chênes verts se cassent entre eux[1] et les Béotiens se battent les uns contre les autres. » Démosthène disait du peuple qu’il ressemblait à ceux qui ont des nausées sur un navire. Démocrate comparait les orateurs aux nourrices qui, mangeant les aliments[2], frottent de salive les lèvres des enfants[3]. Antisthène comparait le maigre Céphisodote à l’encens qui fait plaisir en se consumant. Il est permis de voir dans tous ces exemples, et des images et des métaphores, de telle sorte que toutes celles qui sont goûtées, étant dites comme métaphores, seront évidemment tout aussi bien des images, et que les images sont des métaphores qui demandent à être expliquées.

IV. Il faut toujours que la métaphore réponde à une métaphore corrélative, qu’elle porte sur les deux termes (de la corrélation) et s’applique à des objets de même nature. Si, par exemple, la coupe est le bouclier de Dionysos (Bacchus), on pourra dire, avec le même à-propos, que le bouclier est la coupe d’Arès (Mars)[4].

Tels sont les éléments dont se compose le discours[5].

  1. Parce que cet arbre servait à faire des coins pour fendre le bois.
  2. Destinés à leurs nourrissons. Cp. Sextus Empiricus, II, 42, et Aristoph., Chevaliers, 721.
  3. Ou peut-être : « Qui mâchant les aliments, les mettent tout mâchés sur les lèvres des enfants, » ce qui se fait aussi pour les petits oiseaux.
  4. Cp. Poétique, chap. XXI. — D’après Athénée (Deipnosoph., l. XI, p. 521, le mot serait d’Anaxandride, poète de la comédie moyenne.
  5. Ces éléments sont la clarté, la propriété des termes, la métaphore et l’image