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Cela est faux ; car tel terme est plus propre qu’un autre, même plus rapproché de l’objet dénommé et plus apte à représenter la chose devant les yeux. De plus, tel mot, comparé à tel autre, n’a pas une signification semblable, et, par suite, il faut établir que l’un sera plus beau ou plus laid que l’autre. En effet, tous deux servent à marquer la signification de ce qui est laid et de ce qui est beau, mais non pas en tant que beau, et non pas en tant que laid ; ou, s’il en est ainsi, il y aura du plus ou du moins. Voici d’où l’on doit tirer les métaphores : des mots qui aient de la beauté dans le son, ou dans la valeur, ou dans leur aspect, ou enfin par quelque autre qualité sensible. Il est préférable de dire, par exemple, ῥοδοδάκτυλος ἠώς[1], plutôt que φοινικοδάκτυλος[2], ou, ce qui est encore plus mauvais, ἐρυθροδάκτυλος[3].

XIV. Dans le choix des épithètes, on peut employer des appositions tirées de ce qui est mauvais ou laid ; comme, par exemple, « le meurtrier de sa mère[4] ». On peut encore les tirer de ce qui est meilleur, comme « le vengeur de son père[5] ». Simonide aussi, comme certain vainqueur aux courses de mules lui accordait une rémunération trop faible, refusa de composer une poésie en son honneur, alléguant qu’il lui répugnait de chanter à propos de mulets ; mais l’autre lui accordant une somme suffisante, il fit ce vers :

Salut, filles de cavales rapides comme la tempête,


bien que ces mules fussent aussi filles des ânes.

XV. Ajoutons l’atténuation. On distingue entre autres

  1. Aux doigts de rose.
  2. Aux doigts couleur pourpre.
  3. Aux doigts rouges.
  4. Allusion à Oreste. Cp. Eurip., Oreste, vers 1603.
  5. Ibid., vers 1604.