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le lieu, qui consiste dans l’expression. Une partie de ce lieu, c’est, comme dans les arguments dialectiques, de dire en dernier comme conclusion, sans avoir fait de syllogisme : « Ce n’est donc pas ceci et cela ; il faut donc que ce soit ceci et cela. » En effet, un énoncé fait en termes contournés et contradictoires prend l’apparence d’un enthymème, car cet énoncé est comme le siège d’un enthymème, et cette apparence tient à la forme de l’expression. Pour parler d’une façon syllogistique par le moyen de l’expression, il est utile d’énoncer les têtes[1]. de plusieurs syllogismes. Ainsi : « Il a sauvé les uns, il a vengé les autres, il a libéré les Grecs. » Car chacun de ces termes a été démontré par d’autres, mais, grâce à leur réunion, on voit un nouvel argument se produire.

Une autre partie de ce premier lieu consiste dans l’homonymie, comme de dire que la souris est un animal fort important, du moins par suite de ce que son nom[2] rappelle le plus auguste des sacrifices ; en effet, les mystères sont bien les plus augustes sacrifices. Citons encore le cas où, voulant faire l’éloge de tel chien, on le met en parallèle avec le Chien qui est au ciel ou avec le dieu Pan, parce que Pindare a dit :

O divinité bienheureuse que les Olympiens nomment le chien à la nature multiple [3] de la Grande Déesse[4] ;

ou encore, de ce que l’on dit qu’il est honteux de

  1. Majeures
  2. Μῦς, rapproché de μυστήριον. Exemple tiré de l’Éloge de la Souris, par Polycrate. Cp. ci-dessous.
  3. Παντοδαπόν. Cp. παντοφμής (Hymnes orph., XI, 10).
  4. Vers appartenant à un chant perdu. (Cp. Pyth., III, 78 et les scolies). Sur le sens possible et même probable de παντοδαπός qui signifie surtout « de toute provenance » voir le Commentaire de Stephanos, p. 975, rapporté par Spengel, t. II, p. 333.