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elles tournent à mal, — et aussi à cause de leur pusillanimité.

XII. Ils vivent plutôt par le souvenir que par l’espoir ; car il leur reste peu de temps à vive, et leur vie passée est déjà longue : or l’espérance a trait à l’avenir, et le souvenir au passé. De là vient leur loquacité ; car ils racontent perpétuellement ce qui leur est arrivé, trouvant du charme dans ces souvenirs.

XIII. Leurs colères sont vives, mais peu fortes, et le désir ou les a quitté, ou se montre faiblement ; par suite, ils sont incapables ou d’avoir des désirs, ou de mettre à exécution ceux qu’ils peuvent avoir, à moins que ce ne soit en vue d’un profit. C’est ce qui donne aux gens de cet âge l’apparence d’être tempérants, car les désirs passionnés se sont calmés et ils sont asservis à l’intérêt.

XIV. Ils conforment leur vie au calcul plutôt qu’au caractère moral, car le calcul dépend de l’intérêt, et le caractère moral dépend de la vertu. Quand ils causent un préjudice, c’est pour nuire, et non par insolence.

XV. Les vieillards sont, eux aussi, accessibles à la pitié, mais non pour la même raison que les jeunes gens. Ceux-ci le sont par humanité, et les vieillards par faiblesse ; car ils se croient toujours au moment d’avoir une épreuve à subir : or ce sentiment est, nous l’avons vu [1], propre à ceux qui sont enclins à la pitié. De là vient qu’ils sont toujours à se plaindre, qu’ils ne plaisantent point et qu’ils n’aiment pas à rire ; car le penchant aux lamentations est le contraire du caractère qui aime à rire.

XVI. Telles sont donc les mœurs des jeunes gens et celles des vieillards. Ainsi, comme tout le monde goûte

  1. Ci-dessus, chap. VIII, § 3.